La vie, la mort, Hommes, vaches, singes, chèvres. Escaliers,
escaliers, la bouse dégouline, l’urine embaume. La vie, la mort, brute, rustre,
insolente. Varanasi.
Ghats bondés, sâdhus
s’exhibent, manteau de talc, bijoux au grand air. Renoncement. Primitivité. La vie, la mort, le rien, le
trop. Excès de nud ité, d’excréments au coin des flaques. La vie, la mort.
La ville s’enrhume, il pleut, la ville enfume. Visages de
mort immergés, sourires sereins jaillissant de des linceuls de fleurs ou bien
figés. Tikas sur la face. Grimages hindous. Eléments, fusion, l’eau, le feu, la
vie, la mort, rien d’autre.
Balance à bois, ça discute dru le prix du stère. Combien de buches
pour taire les chairs ?
Bûchers crépitent de nuit, de jour, corps amassés attendent
brasier ; le fils rasé allume flammèche ; brindilles, rondins, tisons
rougeoient.
Femmes au lointain, derrière veille at home ont assisté.
N’iront jamais funérailles rallier. Une
affaire d’hommes ; dans les ruelles tortueuses, mantras soudains poussent
le passage. Marche couratée des porteurs de civières de bambou ; Dernière
errance labyrinthique et bien secouée pour le dit mort sur palanquin chaviré. Les chants, les fleurs, ni
fanfreluches, ni pincettes. Ni pleureuses, ni satin moiré. La vie, la mort, égouts
et rats, déchets et couronnes, feu palais de maharajahs et cahutes d’éclopés.
La vie dans la mort, la mort dans la vie, misère et
splendeur d’un monde cahoté.
Puja du soir. Mains jointes et ferveur, danses et valse de candélabres,
pétales de fleurs s’échappent des paumes des brahmanes.
La vie, la mort les
pieds devant. Mes yeux se perdent dans le vide. Odeur de chair rôtie. Ni chaud,
ni froid. Mes yeux se perdent, rien n’est plus simple.
Les enveloppes se
consument, l’âme s’échappe vers un ailleurs. Plus de carcasse, plus de prison.
Corps offerts à l’eau, offerts au feu. Poussières dans la poussière.
Assise sur les marches, j’admire ce dénuement, l’absence de chichis,
la brutalité peut-être de l’épluchage des âmes.
La Gange, pur fleuve nauséabond, saturé d’ordures ert
d’excréments. Une femme se soulage accroupie à quelques pas de moi, les fesses
à peine dissimulées aux passants ; Une vache passe. Une chèvre bêle.
Quelques pèlerins portent à leur bouche une gorgée d’eau sacrée. Dans la rue
derrière, s’étalent sur le sol épices et légumes ; dans la rigole pisse un
homme, lignée jaunâtre croisant le silon d’un rat en perdition.
La vie, la mort, le pur, l’impur. Intense chaque seconde,
chaque regard posé. Intense le mouvement de la foule cherchant la rive,
charriant l’offrande, attendant le bain. Les barques entassent saris et
turbans. Intense la nausée, mélange de jasmin et d’urée.
La fourmilière de la mort crépite d’heure en heure.
Cervelles défuntes ou pèlerines cherchent les eaux ; mendiants et
charmeurs de serpents, racoleurs ou apprentis dénudés se partagent les rives
d’une cour de miracles assoiffée.
La vie, la mort, abrupte poésie.