Tarmac : une nuit de janvier.
Tapis roulants,
cartons.
Nos vélos dans leurs
emballages, nous debout dans un grand hall.
Derrière nous, les diabolisations d’un sous-continent à
enterrer, a priori et peurs à dépasser.
Un tampon sur nos passeports. L’inde est là, un aéroport,
une route, des taxis, rien de bien différent de ce que nous avons pu connaitre
ailleurs. Regardons les visages, observons, écoutons. La nuit.
Au pays du tout possible, frayons notre chemin nocturne dans
2 grands taxis, bourrant vélos et bagages jusqu’ à la ville.
Kerala : Kochi.
Chaleur douce, nous nous évanouissons dans les bras de
Morphée. Trop tôt encore pour annoncer la couleur. Demain, nos yeux capteront,
diront, raconteront peut-être.
« Dur, dense, contrasté, chaos, chauffard, arrogance »,
une litanie de mots associée à cette terre traverse fugacement mes premiers
instants de veille.
Qu’est-il de l’autre côté de la porte ? Allons-nous
être cernés, assaillis ?
Paquetons pressés par l’impatience d’un tenancier peu
aimable, comme il en est à chaque bout de terre. Petite balade de filles en
éclaireuses, cherchons gite à notre convenance.
Le lieu est calme, reposant. Atmosphère de village, sourires
des passants. Où sont donc les cris, les intrépides klaxons, les
rabatteurs ?
L’électrochoc n’aura pas lieu.
Kerala, ou l’Inde aseptisée sans doute. Le long de la plage,
serpentin d’élèves en uniformes, promenade scolaire à la lisière des flots. De
jeunes garçons attendent qu’un instantané fige leur humeur de joyeux drilles.
Les jeunes filles en retrait, espèrent-elles la même chose ?
Sur la rive en amont, se dressent les filets chinois, hissés
par des potences.
Immenses nasses aux allures de papillon. Pêche infime, les fishermen
oisifs haranguent de loin les blanches
figures, l’espoir de quelques deniers glanés,
par une démonstration, une photo.
Les anciens, assis en retrait de l’avant-scène discutent,
parlote de square avant que la boule rouge ne s’éteigne à l’horizon.
Une, deux barques peut-être remontent quelques poiscailles,
un cousin de narval à longue pointe, et une brassée de petits remuants. Attroupement immédiat, échanges de chiffres,
enchères, la marchandise échouera sur le stand du plus offrant.
Bourgade paisible, loin de nous le grouillement prédit, la
bousculade et le harcèlement.
Nous voici pilotés,
nantis de pointillés dessinés sur une carte, de maisonnées pour nous abriter à
chaque étape, de numéros de téléphone d’amis d’amis d’amis en cas de nécessité.
Enchainons les douces rencontres qui de fil en aiguille
tisseront tout au long de notre route kéralaise un fabuleux itinéraire cousu
d’un incroyable fil d’hospitalité. Accueils familiaux des plus chaleureux,
partage de thé ou de repas, la magie des anges opère une fois de plus.
Quel visage aurait revêtu l’aventure indienne sans George,
Dax, Dilip, Suchitra, Shaji, joshee, Sudeer, Retheesh, Pushpa et compères, si
soucieux de notre bien-être ?
En guise de paquetage dominical, la clémence d’un jour de
trêve. Laissons dans notre dos la synagogue, et filons plein sud.
Maisons quelconques
mais couleurs safran, turquoise, fuchsia, anis ôtent à la banalité
architecturale toute désolation. Quelque
chose de scintillant, de riant. Les saris des femmes, les longji des hommes
noués, remontés souvent, multi-usages ; torsadé l’ourlet en flammèche propice à se curer le nez. Les
petites filles sur leur 31, un missel à la main dans leurs volants de
princesses à pampilles.
Temples, bibles
empaquetées, clameur de la mosquée, musique du temple hindou, dimanche en bord
de route.
Concurrence confessionnelle, présence forte d’une chrétienté
bigarrée, de l’église de la petite fleur, à celle de tous les saints, les
dénominations multiples et exotiques vont bon train. Cultes fréquentés. Clameur
des chants et prière dans l’air.
Une trentaine de kils avant de filer sur les eaux