Batifolent en bord de route coquelicots et herbes folles, marguerites et lupins bleus. Vient le temps de la fenaison chatouillant nos narines de douces senteurs bucoliques. L'été poindrait-il enfin son nez ?
La fauche a commencé, le soleil dore à l'occasion nos visages encore pâles, réchauffe nos mollets parfois agités encore au petit matin de chair de poule. Nous longeons forêts et prairies, apercevons la mer parfois tapie sous les bois. Un petit plaisir succulent que de ramasser de minuscules fraises sauvages le long de la plage. Les sous-bois abritent souvent nos pauses nocturnes. Il y a quelques jours cependant, cherchant champ en intérieur de terre et ne rencontrant que marécages et moustiques fort zélés, il nous vint à l'esprit de demander refuge dans un jardin quelque peu dompté. Discutant avec les propriètaires en soirée, nous apprimes que les bois alentours hébergeaient temporairement quelques hordes de loups, quelques paires d'ours ou lynx de passage. Je vous laisse imaginer au petit matin le grand soulagement des moussaillons ravis d'avoir dormi bien loin de ces bêtes assez insolites !
La simplicité estonne nous séduit. Aucun paysage féérique, rien que de petits cordeaux d'asphalte ou de sable dammé sillonnant des décors ordinaires, le silence, les balbutiements de l'été, les "summer cottages" disséminés de ci, de là, de petites villes balnéaires au délieux charme désuet : maisons de bois nature ou aux peintures écaillées. Nous avons peine à imaginer ce que put être ici la vie, il y a vingt ans de cela même si quelques bouts de port, quelques reliques d' austères batisses aux vitres brisées rappellent que bucolisme ne fut point toujours de saison. Les maisonnettes dispersées émergent à peine des forêts. Point de village, ni de clochers à proprement parler dans les campagnes : une échoppe de temps en temps, à peine reconnaissable au milieu d'un nulle part.
Sur la côte ouest, deux jours nous sommes reposés, savourant dans la grisaille le charme ilien de Vormsi, ses vents et ses étranges croix rondes, puis la langueur délicieuse d'une vieille station thermale, reclus dans une vieille maison, successivement demeure d'écrivain puis objet de réquisition des troupes soviétiques : étrange mélange d'époques en un seul et même lieu.
Cet après-midi, nous rejoindrons Tallinn la magnifique, une balte escale qui n'est pas sans nous rappeler quelques jolies cités tchèques.
Et si l'humeur du chef de quai est au beau fixe, aurons peut-être la chance d'embarquer jeudi à l'aube, nos montures d'acier à bord d'un train qui devrait nous conduire vers cette immense russe contrée.