dimanche 24 février 2013

Varanasi : La vie, La mort


La vie, la mort, Hommes, vaches, singes, chèvres. Escaliers, escaliers, la bouse dégouline, l’urine embaume. La vie, la mort, brute, rustre, insolente. Varanasi.

Ghats bondés,  sâdhus s’exhibent, manteau de talc, bijoux au grand air. Renoncement.  Primitivité. La vie, la mort, le rien, le trop. Excès de nud ité, d’excréments au coin des flaques. La vie, la mort.

La ville s’enrhume, il pleut, la ville enfume. Visages de mort immergés, sourires sereins jaillissant de des linceuls de fleurs ou bien figés. Tikas sur la face. Grimages hindous. Eléments, fusion, l’eau, le feu, la vie, la mort, rien d’autre.

Balance à bois, ça discute dru le prix du stère. Combien de buches pour taire les chairs ?

Bûchers crépitent de nuit, de jour, corps amassés attendent brasier ; le fils rasé allume flammèche ; brindilles, rondins, tisons rougeoient.

Femmes au lointain, derrière veille at home ont assisté. N’iront  jamais funérailles rallier. Une affaire d’hommes ; dans les ruelles tortueuses, mantras soudains poussent le passage. Marche couratée des porteurs de civières de bambou ; Dernière errance labyrinthique et bien secouée pour le dit mort sur  palanquin chaviré. Les chants, les fleurs, ni fanfreluches, ni pincettes. Ni pleureuses, ni satin moiré. La vie, la mort, égouts et rats, déchets et couronnes, feu palais de maharajahs et cahutes d’éclopés.

La vie dans la mort, la mort dans la vie, misère et splendeur d’un monde cahoté.

Puja du soir. Mains jointes et ferveur, danses et valse de candélabres, pétales de fleurs s’échappent des paumes des brahmanes.

La vie, la mort  les pieds devant. Mes yeux se perdent dans le vide. Odeur de chair rôtie. Ni chaud, ni froid. Mes yeux se perdent, rien n’est plus simple.

 Les enveloppes se consument, l’âme s’échappe vers un ailleurs. Plus de carcasse, plus de prison. Corps offerts à l’eau, offerts au feu. Poussières dans la poussière.

Assise sur les marches, j’admire ce dénuement, l’absence de chichis, la brutalité peut-être de l’épluchage des âmes.

La Gange, pur fleuve nauséabond, saturé d’ordures ert d’excréments. Une femme se soulage accroupie à quelques pas de moi, les fesses à peine dissimulées aux passants ; Une vache passe. Une chèvre bêle. Quelques pèlerins portent à leur bouche une gorgée d’eau sacrée. Dans la rue derrière, s’étalent sur le sol épices et légumes ; dans la rigole pisse un homme, lignée jaunâtre croisant le silon d’un rat en perdition.

La vie, la mort, le pur, l’impur. Intense chaque seconde, chaque regard posé. Intense le mouvement de la foule cherchant la rive, charriant l’offrande, attendant le bain. Les barques entassent saris et turbans. Intense la nausée, mélange de jasmin et d’urée.

La fourmilière de la mort crépite d’heure en heure. Cervelles défuntes ou pèlerines cherchent les eaux ; mendiants et charmeurs de serpents, racoleurs ou apprentis dénudés se partagent les rives d’une cour de miracles assoiffée.

La vie, la mort, abrupte poésie.